L’effondrement des cours pétroliers et la menace terroriste ont gravement fragilisé l’économie en Afrique centrale. Malgré la chute de la croissance, la politique de diversification lancée par le président tchadien tout juste réélu, Idriss Déby, commence à porter ses fruits et suscite l’intérêt d’investisseurs étrangers. Une dynamique qui n’est pas sans faire écho à la stratégie de développement gabonaise, axée elle aussi vers une transformation de son économie.
En 2015, le taux de croissance des pays de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (Cemac) a chuté à 1,7 % contre 4,9 % en 2014, a rapporté Mario de Zamarocy, chef de mission du Fonds monétaire international (FMI), le 9 mai dernier. Pour expliquer cette situation jugée « préoccupante », l’expert du FMI a mis en avant la forte chute des prix du pétrole, mais aussi les problèmes sécuritaires causés par Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. Cinq des six pays de la Cemac ont été particulièrement touchés par cette « forte dégradation » de leur économie : le Cameroun, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad, tous producteurs de pétrole. La baisse de leurs revenus pétroliers a été tellement importante qu’elle a contraint la Banque des États d’Afrique centrale (BDEAC) à puiser dans ses réserves pour soutenir les économies nationales.
« La quasi-totalité des gouvernements de la sous-région n’ont plus d’épargnes budgétaires significatives », a indiqué Mario de Zamarocy, qui s’est inquiété de leur « marge de manœuvre limitée ». Le FMI estime le taux de croissance dans la zone inférieur à 2 % en 2016 en raison de la stagnation annoncée du prix du baril. Pour résister au mieux à cette crise qui pourrait durer, le chef de mission du FMI a encouragé les gouvernements de la Cemac à augmenter leurs recettes non-pétrolières et à réduire leurs dépenses pour « adapter les économies aux chocs et les diversifier ».
Le pétrole comme levier du développement au Tchad
Pays historiquement agricole, le Tchad trouve depuis près de 15 ans d’importantes ressources dans l’exploitation pétrolière, qui a servi à financer son développement malgré les graves troubles traversés dans les années 2000. Aujourd’hui encore, Idriss Déby, le président tchadien également à la tête de l’Union africaine, continue d’utiliser les revenus issus des énergies fossiles pour investir dans la lutte contre la désertification, le réchauffement climatique et le terrorisme. Comptant pour 20 % du PIB, l’argent du pétrole sert également de levier afin de financer les réformes structurelles et la diversification de l’économie nationale. De nombreux projets d’envergure sont ainsi en cours de réalisation pour développer les infrastructures (écoles, universités, hôpitaux, etc.), les transports et les services dans le pays.
Orientée sur le long terme, cette politique d’investissement dans les secteurs non-pétroliers commence à porter ses fruits avec l’essor du commerce, qui constitue à présent 22 % du PIB national. À l’image d’autres pays africains émergents, le Tchad attire également des capitaux étrangers comme ceux de la Chine, qui a démontré son intérêt pour l’économie tchadienne lors d’une visite officielle du vice-premier ministre chinois, Yang Jiechi, le 7 mai à N’Djamena. Les progrès socio-économiques du Tchad ont d’ailleurs été conforté par l’Africa Performance Index (API), qui a classé ses institutions publiques à la troisième place continentale en 2015. Dans son rapport, l’API a même souligné que « l’amélioration de l’orientation budgétaire du pays et les mesures significatives de réduction de la dette […] ont permis à la machine économique et financière du Tchad d’opérer dans le bon sens. »
L’API valide, ce faisant, la stratégie d’un autre pays, le Gabon, chantre de la diversification sur le continent, dont le Plan Stratégique Gabon émergent (PSGE), courant jusqu’à 2025 et soutenu par le FMI, prévoit le développement des infrastructures et du capital humain autour de 10 piliers de l’économie : l’agro-industrie, l’industrie du bois, le secteur tertiaire, etc.
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